Chaude lutte contre l’anglicisme outdooring
Outdooring par-ci, outdooring par-là… Chaque été depuis quelques années, mon coeur de traductrice fait un tour : n’a-t-on pas encore trouvé d’équivalent à cette tendance qui s’est emparée de nos cours québécoises? Qu’est-il arrivé aux preux terminologues, champions du monde dans la catégorie anglicismes? Faits saillants d’un combat en 4 rounds.
Round 1 : Trévi dépose la marque Outdooring
En 2011, le directeur marketing chez Trévi, Alain Gravel, collabore avec la designer d’intérieur Chantal Couture pour écouler des pavillons de jardin invendus. Résultats : des cabanes trois saisons meublées et décorées selon des thèmes précis. Le concept embrase les consommateurs et Alain Gravel doit impérativement y trouver un nom. Il s’inspire d’autres néologismes populaires : scrapbooking et cocooning. C’est ainsi qu’est né « outdooring », le futur adversaire des terminologues.
Outdooring = 1, Terminologues = 0.
Round 2 : Le mot se répand
Grâce à sa présence au Salon national de l’habitation en 2011, « outdooring » séduit designers, consommateurs et journalistes. Les médias, raffolant des nouvelles tendances, répandent le mot à une vitesse folle. Tous veulent s’approprier le concept et surfer sur la vague du vivre dehors : magazines, promoteurs de condos, paysagistes et même chaînes d’épicerie! « Outdooring » rase tout sur son passage. Il est mobile, rapide et agile, alors que les terminologues peinent à le suivre. Leur lourde artillerie linguistique est suffisamment puissante pour l’abattre, mais elle les ralentit.
Outdooring = 2, Terminologues = 0.
Round 3 : Plaintes des consommateurs
La sonorité anglaise du terme commence à irriter plusieurs consommateurs. Le 5 mars 2013, Sophie Durocher, chroniqueuse au Journal de Montréal, écrit un billet à ce sujet après le dépôt d’une plainte à l’Office québécois de la langue française (OQLF) par un citoyen. Les terminologues s’activent pour accoucher le plus rapidement possible d’un équivalent créatif qui pourra entrer dans l’usage.
Outdooring = 2, Terminologues = 1.
Round 4 : L’OQLF réplique
Une terminologue de l’OQLF propose alors « jardinisme », puis « vivre dehors », mais le mal est déjà fait. « Outdooring » s’est implanté dans le langage populaire et laisse peu de place aux concurrents français, malgré leur légitimité. En 2013, l’Office arrête finalement son choix sur « tendance jardin », tout en notant qu’on peut aussi parler d’« art de vivre à l’extérieur » et de « vivre au jardin ». Les solutions proposées seront-elles à la hauteur?
Outdooring = 2, Terminologues = 2.
Pendant ce temps, au fédéral…
Au Canada, le Bureau de la traduction gère TERMIUM Plus, la base de données terminologiques et linguistiques du gouvernement fédéral. Tout comme l’OQLF, une de ses missions est de normaliser les mots nouvellement créés. Il semble que la tornade « outdooring » ne se soit pas rendue jusqu’à Ottawa puisque le terme ne figure dans la base de données que dans son sens d’origine en anglais (une célébration traditionnelle africaine effectuée en plein air).
Bureau de la traduction = -1.
Issue du combat
Seul le temps nous dira qui d’entre les deux adversaires remportera la victoire. Tout peut arriver : d’autres termes originalement rejetés comme « logiciel » et « clavardage » ont aussi eu la vie dure avant de s’implanter dans l’usage pour de bon. En attendant, il ne tient qu’à nous de faire pencher la balance, car les véritables combattants d’une langue sont ceux qui l’utilisent!
Je vois mal le lien entre tendance jardin, jardinisme et outdooring. Pourquoi pas mobilier extérieur ou quelque chose du genre. Bon article, merci pour l’info!